On Oz tout (c'est même à ça qu'on nous reconnais)
Nous vous avions laissés sur la victoire de Nadal fin janvier. J'admets que j'ai pris un peu de retard dans la rédaction des billets, mais que voulez vous, votre serviteur reste un éternel feignant. Mais le retard sera vite rattrapé! D’ailleurs tiens, je vais compiler les derniers mois dans un seul et même post, je suis un OUF!
Nous sommes donc fin janvier, et après être retourné jusqu'à Melbourne il paraissait sage de rentabiliser ce retour en cherchant un travail, histoire de renflouer ls caisses. Nous prenons donc la route vers Toolangi, bourgade de la Yarra valley en pleine région viticole, qui abrite un coin de camping gratuit découvert quelques semaines plus tôt. Décision est prise d'explorer les alentours à la recherche d'un job dans les fermes. Nous nous arrêterons tout d'abord juste en face de notre campement de fortune dans une ferme de kiwis. Le propriétaire, un barbu un peu bourru, marmonne qu'il va avoir besoin de bras pour du prunning, mais pas avant quelques semaines. On prend donc les routes de la région pour trouver une option moins lointaine.
De vignoble en vignoble, de ferme en ferme, la chasse est peu fructueuse. Quelques CV déposés par ci par là chez des viticulteurs qui semblaient penser qu'on cherchait un poste d'hôtellerie dans leur restaurant haut de gamme, mais rien de bien concluant. On rentre au campement bredouille, mais décidons avant de se poser pour la nuit de refaire un essai chez les kiwis:
« On est disponibles des maintenant pour le prunning si vous voulez » annonce-t-on à Lauraine, la petite vieille frippée propriétaire des lieux.
« FRED! Hurle -t- elle. ON POURRAIT COMMENCER PLUS TÔT POUR LE PRUNNING?
-BAH OUAIS POURQUOI PAS
-OK! »
Et voilà, rendez vous fixé pour le lundi suivant pour une nouvelle aventure professionnelle dans le monde paysan.
Pour fêter ça, on décide de passer le weekend en ville, vers Port Melbourne, siège d’un spot face à la plage vraiment mais alors vraiment pas dégueu. Et c’est là qu’il est venu nous embrasser de son baiser amer. Lui, c’est le karma, et son baiser amer s’est manifesté à travers l’atterrissage violent d’un projectile non identifié sur notre pare-brise. La surface fragile de l’élément automobile n’avait aucune chance. Et le résultat, je peux vous dire qu’il était bien plus grand qu’une pièce de 1$! Pas de résine spécial O’brian pour régler le problème (Googlez « Obrian glass » et vous constaterez une troublante ressemblance de logo avec une compagnie de réparation de vitrage automobile bien connue en France, qui répare, et qui remplace). Et le karma d’ajouter un bonus: on était vendredi, il était 19h, la veille d’un weekend prolongé.
On a donc passé notre fin de semaine au soleil, en bord de plage, mais avec en arrière pensée les frais supplémentaires qu’allait nous imposer cette nouvelle mésaventure.
Le dimanche soir suivant, nous reprenons la route vers Toolangi, non sans avoir précautionneusement rembourré la fissure avec des oreillers, histoire de minimiser le risque de tranchage de gorge sur l’autoroute. Le fier réparateur O’Brian étant prévu de venir le lendemain sur notre nouveau lieu de travail. Réveil difficile du lundi matin. Tout d’abord par manque d’habitude d’ouvrir l’oeil avant 11h, ensuite car les matinées sont foutrement glaciales dans le coin! En mode brume gelée. N’ayant que deux plaids pour couvrir nos corps transits, les narines coulaient en ce début de journée, et la motivation n’était pas trop de la partie.
On retrouve Fred, le maitre des lieux bougon, qui nous donne les instructions: le job consiste grosso modo à charcuter une forêt de vignes géantes, à la main. Les premières heures passent sans trop de peine. Une pause thé de plus de 30 min, payée, est prévue dans la matinée, et mamie Loraine est aux petits soins. Mais je peux vous dire qu’après 7h de découpe, les avants bras font la gueule, sans parler du lendemain matin!
Les semaines suivantes seront dans ce style là. Guillaume, un acolyte guaullois nous rejoindra le second jour, talonné de près par Rob, un jeune tasmanien, qui voyage autour du pays avec son chien. Charmant personnage, qu’on aimerait recroiser dans notre périple. Le pare brise réparé, et nos sous en poche, Melbourne est enfin derrière nous, en route pour Adélaïde et le South Australia!
La route pour Adélaïde n’aura pas laissé de souvenirs particuliers. Mis à part l’oubli du capuchon du réservoir d’essence à la station service, mais que voulez vous on se refait pas. Adélaïde donc: on a mieux apprécié que Melbourne. Centre ville moins crado, grande esplanade du quartier des spectacles qui rappelle furieusement Montréal. On a profité de notre présence sur place pour faire un coucou au frère d’un ami de ma génitrice (enfin c’était complètement intéressé hein, il avait un colis pour nous). Le gentil couple nous a montré les environs, payé un coup et tout et tout. Notre présence sur place a également coïncidé avec le fringe festival, sorte de gloubiboulga d’artistes de rue en tout genre. On a passé une bonne petite soirée parmi les jongleurs et les nains, à bouffer des churros hors de prix. Avant de reprendre la route, Nora a décidé de faire peau neuve le temps d’un weekend brulant. Passé cette épreuve, on est repartis pour le trajet le plus long à date: Adélaïde-Perth.
Ce trajet passe par un incontournable: les 1000 km des plaines du Nullarbor. J’entends: une étendue arride, et la route qui s’étale dans le lointain. Tous les 200km, une « ville », comprenez: une station service avec un vieux barbu chelou et de l’essence à trois fois le prix. Le matin, sur le bord de la route, des centaines de kangourous morts, victimes des semi remorques géants qui déchirent la nuit à toute blinde, dévorés par les vautours et les corbeaux.
Ayant été avertis qu’il ne faut surtout pas rouler de nuit, pour justement éviter un carnage marsupial, cet horizon interminable aura été notre seul décor pendant trois longues journées. Et inutile de vous dire que les portables ne passaient pas!
Au bout du désert, la verdure reprend enfin du dessus. On décide de descendre vers le sud, à Esperance. Et là attention les yeux: du sable blanc comme on en fait plus, de la mer turquoise pour les mirettes. On en a prix plein les yeux. On a ensuite fait les malins et escaladé le petit mont au milieu du parc naturel. Après une rencontre émouvante entre Nora et un serpent, on décide de redescendre.
Avant de remonter au nord vers Perth, nous nous rendons à Margaret River, à la recherche de travail. Coin côtier un peu chicos avec des vignobles. Passé l’échec d’un entretien pour jouer les « intouchables » avec un éclopé local, on dégotte un plan dans les vendanges. On tiendra trois jours: payés au rendement (2$ le sceau), ça ne valait pas trop le coup, d’autant que ces salauds de Coréens allaient beaucoup trop vite pour nous. On reste un jour ou deux histoire de profiter des multiples dégustations gratuites (notamment une fabrique de chocolat (!!) ) puis on remonte vers le nord en direction de Perth, dans l’idée de trouver un job en chemin.
La cote sud ouest est pas dégueue. Les requins ne sont pas encore trop de la partie, on peut donc se permettre de se baigner. Le trajet nous amènera son lot de rencontres et travaux improbables: une journée à servir des slushys dans une fête foraine, avec dans les oreilles un horrible jingle répété à l’infini. Mais aussi et surtout une journée de travail dans une famille allemande installée dans le coin. Le boulot consistait à déplacer une mini maison pour enfant (enfin version grand luxe hein) qui devait bien peser 900kg, pour la sortir du jardin d’un vieux local. Ça nous a pris la journée, à coup de mini grue. Le soir, en plus du salaire, le maitre des lieux nous a remercié avec des bières bavaroises offertes par la maison! Avant de reprendre la route il nous a même aidé à bricoler le contour de l’évier du van qui avait pris l’eau. Sont sympas ces boschs!
On reprend donc la route, toujours en quête d’une source de revenus. Mes bras musclés me peremettent de trouver un poste d’intérim dans une pépinière. L’occasion de faire la connaissance d’un autre charmant couple germain. L’aventure horticole tourne court quand moi et mon collègue jetons une bonne cinquantaine d’orchidées à la poubelle suite à un malheureux malentendu. Mais la rencontre avec ces nouveaux compagnons de voyage valait le coup.
Peu de temps après, on trouve enfin ce que l’on pense être la perle rare: un poste dans un centre d’aide aux autistes. Un poste pour monsieur, une promesse d’embauche dans un autre centre pour madame. Avec hébergement et wifi illimité. Mais c’était sans compter sur les mille pattes portugais…
Je me dois de faire une petite parenthèse: parlons un peu du mille pattes portugais. Petit arthropode originaire de la péninsule ibérique, et il faut dire que chez les insectes, l’ibère est rude! Exportés dans les bateaux coloniaux à une époque ou l’occident avait le bon gout de venir civiliser les populations indigènes à coups de cross, cette charmante bestiole a proliféré, ne trouvant pas de prédateurs à sa hauteur. Si bien qu’aujourd’hui, à l’automne, en période de pluie, ils sortent de leur tanière, par milliers. Pas très rapides, pas agressifs, mais très, très, très nombreux. Ramassés par sceaux entiers. Et ils passent sous les portes, attirés par la lumière, de sorte que la nuit, lire un bouquin à la lueur d’une lampe revient à infester les lieux de centaine d’individus. Ils sont si nombreux que leurs cadavres suintants sur les voies de chemin de fer font dérailler les trains.
Et bien figurez vous que ces charmantes créatures était en plein boom à notre arrivée au centre pour sacs de bave. Ajoutez à cela les mauvais traitements infligés aux résidents, parqués dans une seule grande pièce, qui puait le souffre à cause d’un défaut de canalisation, avec des couteux à portée de main (notons que les-dits autistes étaient là car ils avaient des tendances violentes). Sans compter la « piscine » dans laquelle ils amenaient certains d’entre eux, pas nettoyée depuis 1973. Après une semaine de travail sur place, on décide de quitter les lieux, sans une dernière altercation avec le maitre des lieux, un brin susceptible.
Retour à la case pôle emploi. Elle ne durera pas longtemps, on se trouve rapidement un job de cueillette de raisin chez Steve. Charmant agriculteur sexagénaire récemment divorcé, notre nouvel employeur se voyait contraint de vendre sa propriété familiale pour essuyer les dettes laissées par sa salope d’ex femme. Il fallait donc cueillir la dernière production. Le job en lui même était plus physique que prévu, mais supportable. Le souci ici étant la dépendance à la météo: par temps de pluie, pas possible de travailler. La seconde semaine suivant nos débuts ayant comme projet de couvrir les cieux de sombres nuages, on décide rapidement de laisser Steve à ses raisins et sa dépression pour trouver mieux. Mieux se traduira par un boulot à plein temps dans un hangar de packing de pommes et poires.
Karragullen: son parc national, ses champs d’avocats, ses familles mafieuses. C’est Mario qui nous embauche. Mario et sa famille détiennent l’intégralité des fermes du coin. Et Mario détient également l’entreprise qui emballe la production. Mario a aussi construit une « accomodation » (entendez: hébergement) en préfabriqué pour héberger ses employés immigrés (entendez: nous). Ayant fait la connaissance de deux backpackers français locataires d'un van David Hasselhoff, Anaïs et Maxime nous leur trouvons un emploi en face de chez Mario (j’aime penser que leur patron s’appelait Luigi). Maxime ayant des ambitions plus solitaires, il quittera la région au bout d’un jour de travail, nous laissant le soin de loger et nourrir Anaïs (et de la sortir pour son pipi quotidien).
Le travail de packing nous a fait les bras. Au menu: porter des caisses de fruits de 20kg, 8h/j. Le tout sur fond de musique de merde répétée en boucle: nos collègues, un groupe de vieilles harpies n’ayant connu que les tapis de tri toute leur vie, avait pour habitude de mettre la radio à fond toute la journée, sur le Fun Radio local. Et cette station ne se contentait pas de passer de la merde, elle passait la même merde à répétition, tous les jours, plusieurs fois par jour. De quoi devenir dingue. Si on rajoute les insultes constantes de nos charmantes compagnes de labeur, ce qui devait être deux mois de boulot s’est transformé en un mois. Mois durant lequel on s’est pété le bide à faire des grosses bouffes tous les soirs au barbecue. Mais attention: on faisait TOUT au barbec, même le pain! Notre quotidien était donc fait de pétage de dos et de pétage de bide.
Les weekends, on les passait à Fremantle, banlieue sud de Perth. Un ville très hipster, avec un bar qui offre une dégustation de bières gratis sans obligation de consommer, un marché qui donnait encore de maintes occasions de faire le plein de beignets gras et fraises au chocolat. Mais aussi et surtout: la statue en bronze ultra kitch de Bon Scott, le feu chanteur d’AC/DC. Un must!
Au bout de ce mois de travail, la route nous appelait. Après des adieux déchirants, et quelques réparations sur le van, la côte ouest nous a tendu les bras. Mais ça, c’est pour un autre billet!
Avant de conclure, coup d'oeil sur le chemin parcouru:
Em attendant la suite, ne prenez pas trop froid!
N&N